Les cétacés sont des mammifères marins totalement aquatiques qui naissent, s’alimentent, se reproduisent et se reposent sans jamais quitter la mer. La famille des delphinidés compte 37 espèces de cétacés, dont le Dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba, Meyen 1833).
Biologie
Le Dauphin bleu et blanc est un delphinidé du large, il appartient au genre Stenella qui compte quatre autres espèces autour du globe. Il fréquente les mers du monde entier mais on ne le rencontre guère dans les eaux de température inférieure à 12°C ou supérieure à 30°C. Sa taille moyenne à l’âge adulte est de deux mètres en Méditerranée, pour un poids moyen d’environ 90 kg. Les adultes commencent à se reproduire à partir de 7 à 9 ans, et la femelle met au monde un nourrisson tous les 3 à 4 ans, qu’elle allaite pendant au moins six mois. En Méditerranée, les naissances ont lieu majoritairement en été, saison qui est aussi la période d’accouplement. La longévité moyenne du Dauphin bleu et blanc se situe entre 20 et 30 ans, elle est variable selon la qualité de l’habitat. En dehors des activités humaines, la maladie est la cause principale de décès des dauphins, soit de manière individuelle soit par des épizooties qui provoquent périodiquement la mort de milliers d’individus, à l’instar de la mortalité causée par le morbillivirus en 1990-91. Le Dauphin bleu et blanc vit en groupe plus ou moins nombreux selon la région ou la saison ; en Méditerranée, l’effectif moyen d’un groupe se situe autour de 25 individus en été.
Le Dauphin bleu et blanc est le cétacé le plus fréquent en Méditerranée : durant l’été, sa population est plus concentrée dans le nord du bassin occidental, avec plus de 30 000 individus dans le sanctuaire Pelagos pour une population estimée à plus de 350 000 individus dans toute la Méditerranée occidentale. Durant l’hiver, la population septentrionale diminue de moitié, une partie des dauphins migrant vers le sud du bassin. Même si on peut occasionnellement l’observer sur des profondeurs inférieures à 50 mètres, le dauphin bleu et blanc fréquente surtout les eaux profondes, c’est-à-dire les eaux du large … sauf dans quelques endroits particuliers comme la Côte d’Azur où de profonds canyons sous-marins se prolongent très près du rivage.
Le Dauphin bleu et blanc se nourrit de petites proies diverses vivant en plein eau, calmars, poissons et crevettes pélagiques : c’est un prédateur opportuniste ; une majorité de son alimentation est constituée d’espèces non consommées par les humains. Les dauphins ont besoin de se nourrir tous les jours, la période nocturne étant très favorable à leur chasse. Ils utilisent intensivement leur biosonar, situé sous l’évent, pour localiser les proies dans l’obscurité et les eaux profondes.
Lorsqu’il chasse en profondeur, le Dauphin bleu et blanc sonde jusqu’à 5 ou 6 minutes et revient à la surface pour respirer pendant 1 à 2 minutes. Il est assez facile de suivre sa chasse par acoustique passive (hydrophone) en raison des impulsions qu’il émet avec son biosonar, les ‘kaks’ et les ‘mious’. En revanche, nous n’avons pas encore déterminé jusqu’à quelle profondeur il sonde, probablement plus de 100 mètres d’après les proies qu’il attrape. Par contre, nous avons remarqué que les nourrissons de 3 à 4 mois commencent à chasser, en compagnie de leur mère, alors qu’ils sont toujours allaités par celle-ci. L’apprentissage de la chasse dans l’obscurité doit être difficile pour le jeune dauphin. Le sevrage complet intervient probablement à l’âge d’un an.
Ecologie
L’abondance locale du Dauphin bleu et blanc est principalement dictée par la richesse des ressources alimentaires, car ses prédateurs naturels sont peu nombreux en Méditerranée. Par contre l’espèce entre en concurrence avec d’autres cétacés pour certaines de ses proies. Localement les facteurs humains influent également sur l’attractivité des habitats, en particulier en zone côtière.
En zone azuréenne
Le Dauphin bleu et blanc fait partie du patrimoine naturel azuréen depuis longtemps, même si les premières observations avérées dans la région de Nice ne datent que du milieu du XIXe siècle. Auparavant, les rares naturalistes qui s’intéressaient à la question le confondaient avec le Dauphin commun Delphinus delphis, avec lequel il partage nombre de caractères morphologiques au niveau de la taille, de la corpulence, et de l’allure générale. Quant aux pêcheurs locaux, ils l’appelaient ‘marsouin’ pour le distinguer du Grand dauphin Tursiops truncatus, moins fréquent dans la région, en tout cas de nos jours.
Les dauphins bleus et blancs sont présents toute l’année en zone azuréenne : entre le Cap Ferrat et le Cap Roux et jusqu’à 35 kilomètres des côtes, nous avons pu estimer statistiquement leur abondance entre 200 et 500 individus. Cette évaluation pourra être précisée grâce à de nouvelles prospections qui doivent être entreprises dans les années qui viennent. Des études par photo-identification ont montré que les individus étaient résidents dans la région, au moins pour une partie de la population. Par contre, il semble évident que des immigrations et des émigrations interviennent régulièrement, en lien avec les populations du large, notamment.
Les déplacements habituels du Dauphin bleu et blanc le conduisent au plus proche de la côte azuréenne durant la nuit -sa période principale de chasse-, et à quelques dizaines de kilomètres au large durant la journée, où il se repose, socialise, et chasse selon la disponibilité des proies. A ces déplacements journaliers correspondent des changements de structure des groupes : les dauphins se regroupent en milieu de journée, formant des assemblées de 20 à 50 individus, et se dispersent en petites unités de 1 à 3 dauphins réparties sur des kilomètres en fin d’après-midi, avant la chasse nocturne. En saison touristique, ce schéma est perturbé par la forte densité de moto-plaisance côtière. A l’heure actuelle, nos efforts de recherche visent à mieux préciser l’activité des dauphins en zone côtière, le secteur où ils sont les plus exposés aux conséquences des activités humaines. Nos travaux montrent en effet que sur une trentaine d’années, les Stenella ont commencé à délaisser les zones proches de la côte. Nous essayons de comprendre pourquoi.